Cette année 2023 marquera le retour de l’équipe France au Cambodge, après trois ans d’absence en raison de la crise COVID. Notre belle équipe, constituée de Didier et Magali Redon, Catherine et Eric Legouffe, (tous parrains de l’association) a oeuvré pendant plusieurs jours pour faire le point de la situation avec l’équipe Cambodge, rencontrer la plupart des enfants et visiter les sites les plus éloignés où sont hébergés nos petits protégés, comme le Tonlé Sap ou la région du mont Külen.
Le voyage a débuté par lafête des enfants, occasion pour tous de se retrouver dans l’espace de nature qu’offre la ferme de pisciculture de Yada. Nous avions prévu de faire un examen médical, Catherine et Eric étant médecins, mais les lois se sont durcies au Cambodge, sans doute dans un esprit de protection de l’enfance, et il n’est pas possible d’examiner des enfants si l’objet de l’association n’est pas « médical ». La rencontre avec les 32 enfants présents a permis cependant de constater l’absence de souci de santé significatif, d’échanger avec les tuteurs (nombreux !) et de faire de belles photos des enfants. Grâce au dynamisme de l’équipe, ces photos vous ont été envoyées depuis le Cambodge ou très rapidement au retour. Les enfants du lac et ceux du mont Külen n’étaient pas présents ce jour-là, mais notre équipe a pu leur rendre visite dans les jours suivants, de sorte que 44 enfants ont été « visités » pendant ce voyage.
Plusieurs réunions se sont tenues par ailleurs avec l’équipe Cambodge pour faire le point sur l’organisation actuelle : quantité et fréquence de distribution de riz, action et motivation des tuteurs, modalités de communication avec l’équipe France, et approche comptable pour définir le budget 2023.
Concernant les effectifs de l’association, force est de constater que la crise COVID et ses conséquences économiques sur la région de Siem Reap aura laissé des traces car, comme nous vous l’avions annoncé dans les bulletins antérieurs, les grands enfants ont, en nombre significatif, dû interrompre leurs études pour soutenir financièrement leurs familles. Par ailleurs, de plus jeunes sont sortis également car leurs parents ont quitté Siem Reap pour trouver du travail dans d’autres régions. Nous avons immédiatement recherché d’autres enfants à aider et nous comptons actuellement 52 enfants, 4 autres étant en attente d’intégration.
Les premières conclusions :
1) Notre association a plutôt bien traversé la période de hautes turbulences, tant du côté France où quasiment tous les parrains, marraines et donateurs nous sont restés fidèles, qu’au Cambodge, où l’équipe a poursuivi, en s’adaptant à la situation, la prise en charge des enfants.
2) La crise du tourisme et l’augmentation des prix au Cambodge rendent notre modèle économique de parrainage inadapté. En effet, les 335 euros de cotisation sont devenus clairement insuffisants pour assurer les besoins d’un enfant sur une année. Heureusement, nous complétons grâce à l’apport des donateurs, mais ce schéma : un parrain=un enfant devra être reconsidéré.
3) L’éloignement de certains enfants de Siem Reap pose problème pour la collecte de riz, problème acutisé par l’augmentation du prix du carburant et la moins grande disponibilité des tuteurs bénévoles soumis eux aussi à des difficultés économiques. C’est pourtant à distance de Siem Reap que vivent les enfants les plus pauvres.
4) Un besoin de renouvellement s’exprime tant dans l’équipe France que dans l’équipe Cambodge et il va falloir le prendre en compte.
L’Assemblée Générale du samedi 17 juin 2023 qui se tiendra, au Mas de Saporta, autour d’un repas convivial, sera l’occasion de réfléchir ensemble aux perspectives et à la nouvelle orientation que nous devrons donner à notre association dans les années à venir.
Et pour finir et vous replonger dans l’esprit du Cambodge, je vous propose deux petites cartes postales.
La première a été réalisée par Magali et Didier qui ont eu le plaisir, durant leur voyage, de rencontrer leur filleule.
« 31 Janvier. Nous nous levons de bonne heure, nous sommes un peu tendus car c’est aujourd’hui que nous allons rencontrer pour la première fois notre petite filleule SOPHEAK.
On s’y prépare depuis longtemps mais on ne sait pas trop comment ça va se passer… Bon c’est parti, à 6 dans la voiture de Yada avec Malay, Eric, Cath, Didier, Magali. La montagne de Phnom Külen est à environ 80 Km de Siem Reap. Le village est très isolé et difficile d’accès. On rejoint l’équipe ADF dans un village. Il faut laisser la voiture sur place, trop large ! Et on part sur des pistes en moto avec eux ….
Et puis ça y est, on arrive, elle est la devant nous, on la voit enfin, en vrai !
Elle semble plus petite que sur les photos, plus fragile. Elle nous regarde timidement. On est nombreux, on l’entoure, on est grands, on parle…. On ne sait trop quoi lui dire, on la regarde, elle nous salue …Son visage est triste et fermé. On est devant la petite maison où elle vit avec son frère et sa grand-mère handicapée.
Les voisins viennent voir de toute part car, toutes ces motos, ça fait de l’animation. Ils connaissent Samry ,Nimol et Soeung Sat les trois représentants de ADF, notre partenaire sur le mont Külen. Les Cambodgiens discutent entre eux, et nous traduisent. Puis la petite nous invite à renter dans la pièce unique de sa maison. Sopheak nous montre spontanément ses cahiers, son uniforme. Timidement elle commence à parler avec Malay qui regarde ses cahiers et la félicite de ses bons résultats. Puis Malay lui explique qu’il faut continuer de bien travailler à l’école, que c’est important. On décide d’aller visiter cette école. On part avec elle et son frère à pied dans la forêt, c’est agréable, on se détend. L’école est à environ 800m. Dans ce petit village il n’y a qu’une école primaire. Pour le secondaire, il faudra aller dans un autre village.
Sopheak marche à côté de nous. C’est une petite fille de 10 ans, elle est en grade 3 dans cette école primaire du village de Klhah Khmum. L’école est petite mais agréable avec une grande cour de récréation et trois classes que nous observons de l’extérieur car, l’après-midi, l’école est fermée. Du coup, on prend notre temps on regarde les bureaux en bois, les panneaux d’affichage, les tableaux… On lui pose des questions, elle répond à Malay et à Samry. Bref, une belle école. On a ainsi pu partager paisiblement avec elle un moment de son univers scolaire quotidien. Puis on revient tranquillement en continuant d’échanger via nos deux traducteurs… De retour à sa maison, Malay repart dans un long discours à son attention et, à sa grand-mère, elle ré- explique l’importance de l’école et le soutien de l’association. Nous lui laissons une photo de notre famille, quelques cadeaux insignifiants. On fait quelques photos supplémentaires ensemble… et, déjà, nous repartons sur nos motos, après un dernier salut, pour aller rencontrer d’autres
enfants de l’association. Ce moment a été très court, trop court, mais oh combien intense et il restera gravé dans notre souvenir comme un des moments les plus forts de notre séjour au Cambodge en 2023.Ce qui nous a le plus marqué, au-delà de la pauvreté qui est partout présente dans ce secteur, c’est la tristesse de l’enfant. Une tristesse dans ses yeux et sur son visage que rien ne semblait pouvoir inverser. Pas de sourire, chez un enfant de cet âge-là, c’est vraiment très perturbant…
Apres notre départ du Cambodge, nous avons appris que sa maman (que nous n’avions pas rencontrée car elle était partie chercher du travail) était revenue au village et que ADF lui avait trouvé un emploi dans le cadre de son programme de soutien à l’artisanat. Je ne sais pas si nous reverrons cette petite fille mais son regard nous a marqué profondément. Nous espérons que le retour de sa maman et l’aide de l’association lui permettra de réussir sa scolarité mais surtout de retrouver le sourire qu’un enfant de cet âge ne devrait jamais perdre. »
La seconde carte postale vous est offerte par Catherine et Eric :
« Cambodge, retour quatre ans après…Impression post Covid…Pendant deux ans, le Cambodge a été à l’arrêt, sans touristes. Les hôtels de luxe sur la route des temples sont abandonnés. On note pourtant une évolution de l’urbanisme en ville, avec l’apparition de pistes cyclables par exemple. La pauvreté, s’est déplacée vers les campagnes, avec une augmentation de l’isolement et de la précarité des enfants. Certains parents ont dû s’exiler pour aller chercher du travail ailleurs, soit au Cambodge soit en Thaïlande. Cette nouvelle situation rend plus difficile, l’accompagnement des enfants, et la distribution du riz.
Grâce à ce voyage, nous avons pu rencontrer les enfants de l’association, soit à l’occasion d’une fête dans la ferme de Yada, soit en allant sur place sur le lac Tonle sap ou au mont Külen. Nous avons toujours été accueillis avec beaucoup de gentillesse et d’amitié, mais nous avons été souvent confrontés à une pauvreté terrible qui nous a déstabilisés. Nous avons pu apprécier le rôle des tuteurs, qui s’impliquent au quotidien pour l’accompagnement des enfants et de leur famille, malgré les difficultés.
Nous avons aussi eu la chance de rencontrer des anciens enfants de l’association, devenus des adultes, et qui ont pu, grâce aux études, trouver un travail et fonder une famille. Ils nous ont chaleureusement remerciés pour l’accompagnement que l’association leur a apporté. Ceci a ravivé notre optimisme, et nous a conforté dans l’idée de poursuivre les actions menées par l’association. »
Sylvie Monpoint, et l’équipe de Sourire Angkor.